Visiter Auschwitz : un tourisme de mémoire entre histoire et émotion – Auschwitz I
Dans les incontournables du tourisme, il y a des lieux qui attirent un grand nombre de touristes par leur beauté, ou parfois par leur histoire millénaire.
Mais il y en a d’autres qui sont plus difficiles à visiter : on sait d’avance que la visite sera difficile émotionnellement parlant. Visiter Auschwitz est l’un d’entre eux.
Devenir « passeur de mémoire »
Visiter Auschwitz n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Certains y apportent une histoire familiale lourde et tragique ; d’autres font preuve de curiosité par rapport à ce qu’ils ont de souvenirs scolaires, pour d’autres encore c’est une étape obligatoire afin de ne pas oublier ce que l’Homme a pu faire à ses semblables.
Aller à Auschwitz, c’est dire aussi qu’on y a été, qu’on en est ressorti avec finalement quelque chose de différent car on ne peut pas oublier cette montagne de cheveux, ces baraquements alignés presque à l’infini. On ne peut pas ignorer le fait de marcher sur le lieu de mort de plus d’un million de personnes. On ne peut pas s’empêcher de ressentir ce sentiment d’effroi, d’oppression malgré la dimension des lieux. Et au final, en repartant, on reste silencieux parce qu’on se dit aussi qu’on doit expliquer ce que l’on a vu car les rares rescapés sont de moins en moins nombreux maintenant.
Pour autant, on doit réfléchir à cette visite, appréhender le contexte historique mais aussi le contexte personnel : ai-je la capacité morale de faire une telle visite ? Je déconseillerai aux parents d’y emmener leurs enfants de moins de 15 ans et de leur laisser le choix de visiter Auschwitz. Si l’on n’est pas prêt à le faire, mieux vaut renoncer. De mon côté, j’ai fait le choix d’y aller avec un ami. Ma fille étant trop jeune et ne me sentant pas de le visiter seule, c’était la meilleure solution.
Visiter Auschwitz sans guide
Nous avons choisi la solution d’une visite d’Auschwitz sans guide. En effet, nous refusions de faire une visite dans un gros groupe de 30 personnes où l’on nous dirait quoi faire et quoi regarder, tout en étant pressés. Nous voulions avoir le temps ; le temps de comprendre, le temps de voir, le temps de respirer et pour mon cas, prendre des photos afin d’éviter de craquer. Pour préparer cette visite, j’ai repris le livre de Tal Bruttmann, un spécialiste de la question de la Shoah. Travaillant dans le domaine historique, nous avions également en tête le contexte.
Le bus nous a déposé dans le parking en face d’Auschwitz. Il faut savoir que le complexe d’Auschwitz c’est trois principaux camps et, pendant la guerre, une multitude de camps temporaires qui ont disparus. Aujourd’hui il ne reste que Auschwitz I qui est transformé principalement en mémorial et Auschwitz II Birkenau qui est resté en l’état. A notre arrivée, le temps était gris et morne. Pour nous aider dans notre visite, nous avons acheté le guide du Mémorial, à moins de 4€ : vraiment très bien fait avec un format pratique pour le glisser dans la poche. Avant d’entrer sur le site, vous devrez déposer tout sac à dos volumineux dans la consigne à bagages : 4 zlotys par sac.
+ Le portail « Arbeit macht frei »
L’accès au camp se fait par le tristement célèbre portail « Arbeit Macht Frei », « le travail rend libre ». Le travail fait référence aux usines installées dans cette zone militaire sous contrôle nazi, et notamment l’entreprise IG Farben qui a collaborée avec l’Allemagne nazie. Il faut savoir que le portail n’est pas l’original : des tentatives de vol ont eu lieu. De là vous pouvez commencer votre visite des blocks, qui possèdent chacun un thème portant sur la déportation ou la vie dans le camp, mais aussi des lieux extérieurs.
+ Le block 4 : L’extermination
Ce block retrace tout le système de mise à mort à l’intérieur du camp de concentration mais aussi du centre de mise à mort de Birkenau. L’atmosphère est très lourde : les photos nous laissent sans voix, insoutenables. La salle 5, où il est interdit de prendre des photos, est bouleversante. Deux tonnes de cheveux, pris sur les corps des déportés puis réutilisés pour en faire des tissus, sont exposés. Quand on sait qu’une chevelure pèse moins de 200 grammes, on a la confirmation que le nombre de victimes est impressionnant. Et ce n’est qu’une partie de ce qui a été retrouvé dans le block Canada de Birkenau.
Le système d’extermination mis en place est froid, mathématique, mis en place pour être rentable, jusqu’au bout, déshumanisant jusqu’à la chair et l’os.
+ Le block 5 : Les preuves du crime
Les nazis ont tenté de tout faire bruler avant leur fuite précipitée. Dans ce block 5, le nombre d’objets personnels se compte par centaines de millier. C’est un tombeau, évocateur de l’immensité des crimes perpétrés.
+ Le block 6 : La vie des détenus
Nous savions comment fonctionnait le système concentrationnaire, et je pense sincèrement que ça nous a permis de rationaliser ce que l’on voyait, sans craquer, encore. Les photos de ces femmes ayant perdus entre 35 et 50 kilogrammes entre leur arrivée au camp et leur libération est extrêmement difficile à regarder. A côté, un modèle de ration journalière, créé en plâtre, donne aux visiteurs une idée du rationnement effectué : on dépouille des personnes à qui l’on ne donne plus rien.
+ Le block 7 : Les conditions de vie et sanitaires
Si l’on peut constater une chose, c’est que le camp n’a jamais été conçu pour accueillir autant de détenus que prévu à l’origine. Auschwitz est devenu un point central pour faire disparaitre les populations déportées. Les aménagements sont rudimentaires et insuffisants avec un déficit d’hygiène très important, ce qui causait de nombreuses maladies.
+ Les blocks 10 et 11 : Expériences médicales et prison du camp
Le block 10 ne se visite pas. Le block 11 incarne jusqu’au bout la déshumanisation et la torture envers l’être humain. Chaque cellule de prison avait son but : les cellules debout où l’on mettait 4 prisonniers qui devaient rester debout, la cellule sans lumière où l’on devenait fou, la cellule d’oubli où l’on était condamné à mourir de faim…
Entre ces deux blocks se trouve le mur de la mort où étaient exécutés les prisonniers. Certains y déposent maintenant des fleurs et des bougies.
+ Les autres blocks :
Les blocks suivants ont été reconvertis en expositions de musée sur la déportation de certains pays. Le block 20 est notamment consacré à la France et son implication dans la Seconde Guerre Mondiale.
+ La place d’appel et la potence collective :
Lieux centraux du camp, les déportés s’y rassemblaient chaque jour, pour subir l’appel qui pouvait durer plusieurs heures, quelque soit le temps qu’il faisait. Le SS chargé de l’appel était protégé dans une guérite et les déportés faisaient face à la potence, prévue pour assassiner jusqu’à 12 personnes en même temps.
+ La chambre à gaz et le crématoire d’Auschwitz I :
Point de passage incontournable mais pourtant très émouvant. Les nazis pouvaient y faire disparaître jusqu’à 340 cadavres par jour. Dès 1941, des prisonniers soviétiques y furent gazés. Les murs noirs, même reconstruits, nous plongent dans l’effroi. Quand on sait que c’est la dernière étape de visite d’Auschwitz I, avant d’arriver dans l’innommable à Birkenau…
Questions pratiques
Il y a différentes solutions pour visiter Auschwitz. La première consiste à réserver un tour dans une agence touristique de Cracovie. Depuis cette ville, vous mettrez 1h30 de route aller et autant retour. La visite sur place dure environ 3h30. Il s’agit d’une visite guidée, dans la langue de votre choix qu’il faut réserver en avance. Dans ce cas la visite est payante. En cas de visite libre, la visite est gratuite, il faut cependant réserver également en avance.
Une navette vous conduit gratuitement jusqu’à Birkenau.