Les enfants ne se souviennent de rien : vrai ou faux ?

Faut-il attendre que les enfants soient “grands” pour voyager avec eux ? À entendre certaines remarques, on pourrait croire qu’avant 10 ans, emmener un enfant à l’autre bout du monde n’a pas grand intérêt : “Tu vas à New York avec ta fille ? Elle ne s’en souviendra même pas !”. C’est vrai qu’à 3 ou 4 ans, la mémoire fonctionne encore différemment de celle d’un adulte. Mais cela signifie-t-il vraiment qu’ils ne gardent aucun souvenir de voyage ? Pas si sûr. Voici un tour d’horizon – entre témoignage, neurosciences et bon sens parental – pour répondre à cette idée reçue.

Enfant découvrant un paysage en voyage
Le petit dernier à la découverte de l’étang de Thau

🎒 Les souvenirs de ma fille

Si on prend l’exemple de ma fille, c’est clair : ses souvenirs de voyage d’enfance existent, même s’ils ont une forme bien à eux. Elle se souvient par exemple très bien des donuts à New York, lors d’un voyage en 2014 – un souvenir culinaire, sensoriel, précis. Entre 2014 et 2019, ses réminiscences sont plus floues mais bien présentes, souvent rattachées à des émotions ou à des moments marquants : le viaduc de Glenfinnan en Écosse, où est passé le Poudlard Express dans Harry Potter, ou encore ce jour au Loch Ness où elle a reçu une peluche du fameux monstre.

En 2018, lors d’un road trip en Nouvelle-Zélande (elle avait alors 7 ans), elle se souvient surtout des lieux de tournage du Seigneur des Anneaux, souvenirs aujourd’hui renforcés par la relecture des films. C’est à partir de 2020, vers ses 8 ans, que les souvenirs deviennent vraiment complets et structurés, couvrant l’ensemble du voyage. Elle est désormais capable de reconstituer des trajets entiers et de les décrire avec précision, notamment les randonnées faites aux États-Unis et au Canada, dont elle pourrait détailler les étapes, les paysages, les efforts. En revanche, d’autres lieux restent associés à des sensations plutôt qu’à des faits : Boston, par exemple, c’est surtout “des immeubles”, “le granité trop acide mais frais”, et l’immeuble Converse – elle en est fan. Quant aux chutes du Niagara, elle en retient moins la beauté que la fraîcheur qui l’a surprise.

Souvenirs de voyage chez les enfants lors d’un road trip
Le lobster roll : souvenir de voyage durable d’une ado !

Mais aussi …

Elle garde aussi en tête des moments drôles – comme cette fois où son père a renversé du Coca dans un restaurant –, et, une fois encore, des souvenirs liés à la nourriture : la pizza et les pâtes en Italie, les donuts américains. Finalement, ce sont souvent les émotions, les fous rires et les sensations fortes qui laissent une trace durable.

Et son petit frère ? Pour l’instant, il est encore trop jeune pour raconter quoi que ce soit. Mais peut-être que lui aussi, plus tard, se souviendra d’un granité trop acide ou d’un fou rire sur une route déserte.

🧬 Ce que dit la science sur les souvenirs de voyage chez les enfants

🧸 Les premières années

Lorsqu’on parle de mémoire chez les jeunes enfants, un mot revient souvent : l’amnésie infantile. C’est le phénomène bien connu qui fait que la plupart des adultes ne se souviennent de rien – ou presque – avant l’âge de trois ans. Cela signifie-t-il que les enfants ne gardent aucune trace de ce qu’ils vivent avant cet âge ? Pas exactement.

En réalité, les bébés et les jeunes enfants ont bel et bien une mémoire, mais celle-ci évolue énormément dans les premières années de vie. Les scientifiques distinguent différents types de mémoire. La mémoire implicite, par exemple, fonctionne très tôt : elle permet de retenir des gestes, des habitudes, des émotions. C’est pourquoi un tout-petit peut se souvenir d’une berceuse ou d’un trajet familier, même s’il serait incapable de le raconter.

La mémoire explicite, celle qui nous permet de raconter un souvenir personnel – ce qu’on appelle la mémoire autobiographique – émerge généralement entre 2 et 3 ans. À partir de cet âge, les enfants commencent à conserver des souvenirs d’événements vécus, mais ces souvenirs sont encore très fragiles et peuvent facilement s’effacer avec le temps. Cela s’explique en partie par l’immaturité de certaines structures cérébrales, notamment l’hippocampe, qui joue un rôle central dans l’encodage et la récupération des souvenirs.

Jeune fille observant la mer et le paysage
Jeune fille observant l’horizon.

👩‍🎤 Et après ?

Vers 6 ou 7 ans, la mémoire autobiographique devient plus stable et plus structurée. L’enfant commence à se forger de véritables souvenirs durables, organisés autour de récits personnels. Ce développement est renforcé par le langage – qui permet de nommer les choses, de les raconter – et par le sens de soi qui se construit progressivement. C’est aussi pourquoi les enfants qui ont l’habitude de discuter de leurs journées ou de leurs voyages avec leurs parents gardent souvent des souvenirs plus riches : les échanges verbaux aident à fixer les événements dans la mémoire.

En résumé, dire que les jeunes enfants “ne se souviennent de rien” est une idée un peu rapide. Avant 3 ans, leur mémoire fonctionne différemment : ils retiennent des émotions, des sensations, des images fugaces. Et dès 3 ou 4 ans, ils commencent à construire de véritables souvenirs, surtout si ceux-ci sont répétés, racontés et vécus dans un contexte émotionnel fort.

✈️ Ce que ça change quand on voyage avec de jeunes enfants

👁️ Aider la mémoire

Savoir que les enfants en bas âge gardent des souvenirs – certes fragmentaires, mais bien réels – peut changer notre regard sur les voyages en famille. Même s’ils ne retiennent pas le nom de la ville ou l’anecdote historique que vous avez partagée devant un monument, ils emportent avec eux quelque chose de plus profond : une émotion, une ambiance, un sentiment d’aventure ou de sécurité.

Ce sont les répétitions, les discussions, les petites routines du voyage qui aident leur mémoire à se structurer. Le simple fait de parler avec eux de ce qu’on vient de vivre, de revoir les photos ensemble ou de leur laisser raconter “à leur façon” ce qu’ils ont aimé, renforce la trace mnésique. Ce n’est pas tant la destination que la manière dont on vit le moment ensemble qui compte.

En tant que parents, on peut aussi lâcher un peu de pression. Il n’est pas nécessaire que tout soit “pédagogique” ou parfaitement orchestré : ce que les enfants enregistrent, ce sont surtout les moments partagés, la joie d’une découverte, la proximité familiale, parfois même un fou rire dans une voiture de location ou un pique-nique sous la pluie.

Et même si leur souvenir s’efface avec le temps, le vôtre demeure. Vous vous souviendrez toujours de ce regard émerveillé devant un geyser, de cette première fois sur la plage en Sardaigne ou de cette galère de valise dans une ruelle italienne. Et ces souvenirs-là, vous pourrez les raconter, les transmettre, les revivre ensemble. Parfois, les plus beaux souvenirs d’enfance se construisent à travers ce que les parents racontent – et ravivent – bien des années plus tard.

Jeune fille blonde découvrant le musée de Bordeaux.
À Bordeaux, à la découverte du musée des Beaux Arts.

🧳 Hors du quotidien

Voyager avec un enfant, c’est aussi lui offrir une bulle hors du quotidien, un bain de nouveauté où il découvre des paysages, des cultures, des sons, des goûts. Les enfants sont de véritables éponges, et même si tout ne s’imprime pas à long terme, l’expérience façonne leur rapport au monde, leur curiosité, leur ouverture.

C’est aussi un moment d’évasion loin des écrans (ou du moins, on essaie), une façon de bouger, de stimuler l’envie d’explorer plutôt que de rester enfermés dans une routine sédentaire. Ces habitudes s’installent tôt. Un enfant qui a l’habitude de voyager jeune n’aura sans doute pas peur de bouger plus tard.

📸 Et les photos dans tout ça ?

Elles sont bien plus qu’un souvenir de vacances. Les photos sont des outils de mémoire : elles permettent d’immortaliser un moment, un lieu, une émotion, parfois avant que le souvenir ne s’efface. En les regardant régulièrement, on ravive les souvenirs de voyage chez les enfants. Mieux : on les reconstruit ensemble, on en parle, on les complète.

C’est ainsi que se tisse la mémoire collective familiale. Celle qu’on partage, qu’on raconte, qu’on se transmet. Celle qui fait que le voyage continue bien après le retour.

Jeune fille prenant un paysage en photo : souvenirs de voyage chez les enfants
Eux-même créant leurs propres souvenirs.

🎯 Conclusion

Alors, les enfants ne se souviennent de rien ? Faux. Ils ne se souviennent peut-être pas de tout, mais ils retiennent bien plus qu’on ne l’imagine. Et même si leur mémoire est encore en construction, chaque voyage laisse une trace : une émotion, une image, un moment partagé.

Voyager avec eux, ce n’est pas seulement leur faire plaisir dans l’instant. C’est poser les bases d’une mémoire en devenir, et peut-être aussi… de leur futur goût du voyage.

Mère et fille sur les rails en Géorgie.
Souvenir de famille

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